Une chronique de Sam Rainsy
L'assurance d'une immunité durable pour les personnes guéries du COVID-19 constitue une nouvelle donne dans la lutte contre la pandémie d'autant que le nombre de ces anciens malades maintenant immunisés (56 millions dans le monde entier) augmente pratiquement aussi vite que celui des personnes contaminées par le coronavirus (79 millions) (1).
Le COVID-19 présente cette caractéristique que la maladie ne dure généralement que deux à trois semaines et que 98 % des personnes contaminées par le coronavirus se rétablissent sans trop de problèmes et développent par la suite une immunité à la maladie les empêchant de retomber malades. Le nombre et la courbe des contaminés et ceux des rétablis se suivent donc étroitement avec seulement un décalage de quelques semaines.
A un moment où les États se préparent à vacciner massivement leurs populations tout en faisant face à de nombreux aléas, ne pas tenir compte du statut immunologique des anciens malades du COVID-19 constitue une négligence coupable dans une situation de pénurie qu'il faut gérer.
Course contre la montre
A l'échelle planétaire ces campagnes de vaccination constituent une véritable course contre la montre dans laquelle les limites du temps et des ressources matérielles conduiront forcément à de cruels dilemmes quand il s'agira de déterminer quelles vies sauver en priorité. En effet, il faudra agir au plus vite en faisant des choix délibérés pour tenir compte de dures contraintes sanitaires, financières et logistiques jamais expérimentées auparavant à une telle échelle.
Une telle situation rappellera les plus forts moments de la crise sanitaire au printemps dernier quand les médecins soumis aux plus fortes tensions hospitalières dues à un afflux sans précédent de malades, devaient faire un tri entre lesquels de ces malades ils devaient essayer de sauver et lesquels ils devaient laisser mourir.
Manquer de vaccins
Etant donné l'échelle colossale des campagnes de vaccination à réaliser, les précieux vaccins tout juste mis au point pourront manquer à tout moment et à tout endroit, surtout dans les pays pauvres d'Afrique et d'Asie. Les autorités sanitaires devront alors faire des choix difficiles qu'il faudra rationaliser autant que possible.
En France, la Haute autorité de santé (HAS) a émis sur ce sujet une recommandation ambigüe selon laquelle "il n'y a pas lieu de vacciner systématiquement les personnes déjà contaminées par le coronavirus, mais rien ne s'y oppose." (2) C'est l'exemple type du langage bureaucratique qui évite prise de risque et prise de responsabilité.
Mais quand la HAS précise que le "constat scientifique" est "qu'à ce jour les données ne permettent pas de savoir s'il y a un bénéfice à vacciner les personnes qui ont déjà été infectées par le SARS-CoV-2", elle reconnaît que, dans l'état actuel des connaissances, il serait inutile de vacciner les anciens malades qui sont maintenant immunisés. Inutile est le mot clé. Car si un pays riche comme la France peut, pour des considérations qui sortent du domaine sanitaire, se permettre des initiatives "inutiles", il n'en est pas de même de nombreux pays pauvres d'Afrique et d'Asie qui sont encore au stade de se demander comment ils pourront se doter de moyens financiers et logistiques pour vacciner seulement une petite partie de leur population.
Rôle de l'OMS
Pour les États et surtout pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS) il est urgent de tirer des conclusions claires et d'émettre des recommandations opérationnelles à partir des connaissances scientifiques actuelles. Une telle position est nécessaire même si rien n'est absolument exempt de risque comme dans le cas des vaccins que plusieurs pays viennent d'autoriser mais dont personne ne peut encore garantir ni l'efficacité ni l'innocuité à 100%.
Il en est de même pour ce qui est de l'immunité acquise naturellement par les anciens malades qui peuvent être maintenant considérés comme guéris du COVID-19. Il n'est pas question de mettre en compétition l'immunité naturelle survenant après la maladie et celle engendrée par une vaccination. Il s'agit simplement de constater un état de fait et d'en tirer le meilleur parti en matière de santé publique.
Immunité durable ?
En effet, on peut constater que l'immunité acquise naturellement après contraction du COVID-19 est bien réelle et qu'elle est au moins aussi durable que l'immunité engendrée par les nouveaux vaccins, et cela après des observations scientifiques identiquement rigoureuses pour les deux phénomènes.
Alors que les vaccins nouvellement approuvés (Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca) affichent des taux d'efficacité atteignant 95% pour les personnes vaccinées expérimentalement au cours des trois à six derniers mois, pratiquement 100% des anciens malades du COVID-19 n'ont pas subi de rechute au cours des neuf à douze derniers mois. En effet, sur les 56 millions d'anciens malades symptomatiques recensés à travers le monde jusqu'à ce jour, seulement quelques dizaines sont tombés à nouveau malades, autrement dit des exceptions qui confirment la règle d'une immunité réelle et durable. (3)
Une leçon claire
La leçon est claire: dans les pays pauvres et/ou extrêmement peuplés où les vaccins ne seront pas disponibles pour toute la population sur une seule année 2021 ou 2022, et où des priorités devront être définies pour une question de vie ou de mort concernant des millions de personnes, les anciens malades du COVID-19 ayant présenté les symptômes caractéristiques de la maladie et un test PCR positif, ne devraient pas être parmi les premiers bénéficiaires des prochaines campagnes de vaccination. La priorité devrait être accordée aux autres personnes plus vulnérables car n'ayant pas encore rencontré le coronavirus.
Pour une meilleure gestion de la crise sanitaire, les autorités publiques devraient définir un statut spécial pour les anciens malades du COVID-19 qui ont déjà été suivis dans le passé. Ce statut pourrait être consolidé par un test sérologique montrant la présence d'anticorps qui atteste de l'immunité humorale contre l'agent pathogène, sachant que tout ancien malade aura aussi développé l'immunité cellulaire représentée par les lymphocytes T ou cellules tueuses.
D'un point de vue pratique, le statut d'anciens malades maintenant guéris se rapproche de celui des personnes vaccinées qui auront aussi produit des anticorps, notamment les IgG qui sont les plus efficaces et les plus durables.
Mais d'ores et déjà, un statut spécial pour les anciens malades du COVID-19 éviterait de mettre indûment toutes les personnes à vacciner dans le même panier et permettrait de mieux allouer ces ressources rares et chères que sont les nouveaux vaccins.
Sam Rainsy
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