Une analyse de Sam Rainsy
Face à la pandémie de la COVID-19, des millions de Français continuent de s’opposer à la vaccination tous azimuts et à la généralisation du passe sanitaire tel qu’il est actuellement.
Les contestataires ont raison au moins sur un point : il y a des millions de Français qui n’ont pas besoin d’être vaccinés pour la simple raison qu’ils sont déjà immunisés parce qu’ils ont déjà été malades de la COVID-19, le plus souvent à leur insu.
Millions d'anciens malades
Il faut se rappeler qu’environ 98% des personnes ayant été contaminées par le coronavirus ont été des "malades" plus ou moins asymptomatiques qui se sont rétablies plus ou moins spontanément. C’est le cas de ces millions d’anciens malades maintenant immunisés que les pouvoirs publics poussent, indistinctement du reste de la population, à se faire vacciner sous peine de subir des restrictions à leurs droits et libertés.
Un statut spécial pour les anciens malades
En avril dernier j’ai fondé l’Association de défense des droits et libertés des anciens malades de la COVID-19 pour demander la reconnaissance d’un statut immunologique spécifique pour ces anciens malades, ce qui aurait un certain nombre de conséquences pratiques.
Le passe sanitaire créé le 1er juillet dernier reconnaît effectivement un statut spécifique aux anciens malades puisque ceux-ci peuvent obtenir le précieux document sans être vaccinés. En effet, en l’absence d’un certificat de vaccination, l’obtention du passe sanitaire est conditionnée à la présentation d’un "certificat de rétablissement" qui, par définition, s’applique aux anciens malades. La preuve du rétablissement peut être simplement un test PCR positif attestant d’une contamination par le coronavirus datant de moins de six mois et de plus de onze jours. Un tel test présenté dans ces conditions prouve que la personne concernée est bien guérie de la COVID-19.
Les anciens malades constituent la face encourageante de la pandémie
Chaque vague de la pandémie entraîne un accroissement effrayant du nombre d’hospitalisations et de décès. Mais elle entraîne aussi un accroissement considérable du nombre de personnes guéries dont on parle beaucoup moins alors qu’elles constituent un facteur plutôt rassurant pour la société puisque ces anciens malades ont acquis une immunité naturelle qui les protège d’une nouvelle contamination et limite leur contagiosité.
Une preuve de cette immunité est la présence d’anticorps dans le sang qui se vérifie aussi bien pour les anciens malades que pour les personnes vaccinées. Mais il faut se rappeler que le processus d’immunisation va au-delà des anticorps (immunité humorale) et qu’il recouvre aussi l’intervention de lymphocytes T de la famille des "cellules tueuses" (immunité cellulaire).
Face aux mutations du virus, ces lymphocytes T représentent une arme de défense précieuse dans l’immunité naturelle. Les anticorps ne reconnaissent que les protéines à la surface du virus. Or celles-ci sont les plus susceptibles de muter et de rendre les anticorps inopérants. Mais certains des lymphocytes T sont capables de reconnaître des protéines à l'intérieur du virus, qui sont les moins sujettes à mutation. Ces lymphocytes T peuvent, de ce fait, continuer à détruire les cellules infectées malgré des mutations superficielles du virus.
Immunité naturelle et immunité vaccinale
Les études les plus récentes montrent que l’immunité naturelle se maintient pendant au moins un an, avec la probabilité d’une durée beaucoup plus longue qui sera confirmée avec le supplément de recul que nous aurons avec le temps. Lire "Had COVID? You’ll probably make antibodies for a lifetime" ("Vous avez eu le COVID? Vous produirez des anticorps probablement toute votre vie").
On peut penser que l’immunité naturelle acquise après une infection est de qualité au moins égale à l’immunité engendrée par la vaccination si l’on retient les critères d’efficacité, de durabilité et d’adaptabilité aux variants du virus. Comme la fabrication et l’administration d’un vaccin ne sont qu’une ingénierie pour créer une réplique de l’immunité naturelle, on ne peut pas s’attendre à ce que la copie surpasse l’original au niveau du résultat final. Un expert en immunologie le reconnaît quand il déclare: "Nous avons la preuve que l’immunité engendrée par une infection par le SARS-CoV-2 aura une durée extraordinairement longue. On peut en déduire (ou espérer?) que les vaccins auront des effets d’une durée comparable".
En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) reconnaît l’immunité des anciens malades quand elle ne leur recommande qu’une seule dose de vaccin, à titre de "rappel". Cela revient à assimiler – un peu arbitrairement – l’immunité acquise naturellement par un ancien malade à celle engendrée par une première dose de vaccin sur une personne n’ayant jamais rencontré le virus. Mais l’ancien malade peut très bien ne pas avoir besoin d’être vacciné, même avec une seule dose. Cette dose unique recommandée par la HAS serait seulement une mesure de précaution qui ne serait pas vraiment indispensable (voir l’étude citée plus haut).
Rôle des anciens malades dans l’immunité collective
Les anciens malades maintenant immunisés sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le croit. Selon la dernière enquête sérologique (recherche d’anticorps) effectuée par l’Institut Pasteur en avril 2021, intitulée "Proportion de la population ayant été infectée par Sars-Cov-2", il y aurait en France à cette époque-là plus de 9 millions d’anciens malades naturellement immunisés.
A titre de comparaison, en Inde, vers fin juillet, 67% de la population totale est déjà immunisée (comme le prouvent leurs anticorps) alors que seulement 25% de la population adulte a été vaccinée avec une première injection, et seulement 7% avec les deux doses. L'Inde approche donc du seuil de l'immunité collective qui serait acquise davantage par voie naturelle que par voie vaccinale.
Grâce à l’immunité collective qui serait en train de se réaliser en Inde, l'épidémie est en train de reculer fortement dans ce pays comme le montre la baisse très sensible au cours des derniers mois du nombre quotidien de nouveaux cas et du nombre quotidien de décès.
Abus de tests pour la délivrance du passe sanitaire
Pour obtenir le passe sanitaire sans être vaccinées, de nombreuses personnes, y compris parmi les millions d’anciens malades, se font faire des tests PCR ou antigéniques à répétition parce que les résultats de ces tests virologiques – qui doivent être négatifs pour l’obtention du passe sanitaire – ne sont valables que pendant 72 heures. La répétition parfois abusive de ces tests dits "de confort" représente un coût pour la société, jusqu’à devenir une aberration quand il s’agit d’anciens malades dont l’immunité attestée par des anticorps et d’autres indices, peut durer pendant des années.
Conclusion
Pour renforcer le combat contre la pandémie de la COVID-19 au plan mondial, il faudrait :
- poursuivre les études pour comparer l’immunité naturelle avec l’immunité vaccinale et mesurer les différences sur les plans de l’efficacité, de la durabilité et de l’adaptabilité face aux variants.
- s’efforcer de bien cerner, par des enquêtes sérologiques périodiques, les populations qui ne sont pas encore immunisées et les distinguer de celles qui le sont déjà, soit par la vaccination soit après une infection.
- éviter les gaspillages de tests PCR ou antigéniques dits "de confort" sur les anciens malades immunisés.
- remettre en cause la politique de "vaccination tous azimuts" en tenant compte des anciens malades et transférer les doses de vaccins ainsi rendues disponibles vers les pays les plus pauvres où la pénurie de vaccins est particulièrement criante.
- établir, dans ces pays pauvres généralement très peuplés, une échelle de priorité pour les cibles de vaccination, en identifiant – à travers les premiers tests conduits depuis le début de la pandémie – les anciens malades qui ont le moins besoin d’être vaccinés dans l’immédiat.
Sam Rainsy
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